Le Dieu des Petits Riens, Arundhati Roy

Il s’agit du premier roman de son auteure publié en 1997 sous le titre The God of Small Things et vainqueur du Booker Prize, plus haute récompense littéraire britannique. Vingt ans plus tard, ce livre n’a rien perdu de son intensité.

Rahel et Estha, jumeaux de huit ans vivent à Ayemenem, dans la province du Kerala en Inde, dans les années 1960. Ils mènent une vie de famille en apparence heureuse entourés d’adultes aux caractères bien trempés. Tout d’abord, leur grand-mère, Mammachi, aveugle et autoritaire, gère la conserverie Paradise Pickles & Preserves, véritable institution locale, qu’elle entend transmette à son fils Chako, homme à femmes invétéré. Leur grand-tante, Baby Kochamma, célibataire et amoureuse transie mais contrariée d’un prêtre irlandais, qui teinte de ses avis moralisateurs les faits et gestes de ses neveux. Et, leur mère, Ammu, femme divorcée, prête à s’affranchir des conventions et à transgresser les interdits. Le quotidien de cette famille se trouve bouleversé lorsque Sophie Mol, la fille de Chako débarque à Ayemenem.

Le Dieu des Petits Riens est une tragédie. Comme dans le théâtre antique, la mort plane au-dessus des personnages et l’on apprend assez vite, au fil du récit, que certains sont condamnés. Mais résumer ce texte uniquement à une tragédie serait une erreur. Ce serait prendre le risque d’occulter bien d’autres subtilités du texte.

Le roman interroge, en premier lieu, la linéarité d’un récit et prouve, avec succès, qu’une narration non linéaire peut conduire le lecteur d’un bout à l’autre du roman sans qu’il ne s’égare. Et si le lecteur ne se laisse pas dérouter par la forme même du roman, alors il sera en mesure d’en apprécier toute l’essence.

Car ce récit questionne, également, la notion de pouvoir. Le pouvoir qu’entretient Mammachi sur les siens et notamment sur ses petits-enfants est incontestable et trouve son paroxysme à la fin du récit. A plusieurs reprises, les adultes n’hésitent pas à malmener l’innocence des enfants dans le seul but d’arriver à leurs fins. Le pouvoir des hommes sur les femmes. Chako est un séducteur protégé par sa mère alors que cette dernière est sans merci pour les amours défendues de sa fille. Le pouvoir des privilégiés sur les Intouchables, personnages du quotidien indien méprisés par les plus forts mais en un seul mot déifiés par le narrateur… Le « dieu » des petits riens…

Enfin, Le Dieu des Petits Riens offre au lecteur un des chapitres les plus sensuels que compte la littérature contemporaine, plein de vie et d’espoir, dans lequel Ammu, la mère, se révèle en tant que femme, même si un prix est à payer pour cela comme l’indique cet extrait…

The cost of living climbed to unaffordable heights ; though later, Baby Kochamma would say it was a Small Price to Pay. Was it ?

Si la tentation de résumer Le Dieu des Petits Riens à une tragédie pessimiste subsiste, il sera alors opportun de relever que le dernier terme du texte est « tomorrow » et quoi de plus optimiste que la possibilité d’un lendemain.

The God of Small Things, Arundhati Roy

First published in 1998

HarperCollinsPublishers

Pour la version française

Le Dieu des Petits Riens, Arundhati Roy

Parution : 21-01-2000

Trad. de l’anglais (Inde) par Claude Demanuelli

Collection Folio (n° 3315), Gallimard

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